Extrait quotidien de la Règle de Notre Bienheureux Père Saint Benoît du 20220102, et son commentaire par le TRP Dom Paul Delatte, abbé de Solesmes : |
Prologus II | Prologue II |
Exurgamus ergo tandem aliquando excitante nos Scriptura ac dicente: Hora est iam nos de somno surgere, et apertis oculis nostris ad deificum lumen adtonitis auribus audiamus divina cotidie clamans quid nos admonet vox dicens: Hodie si vocem eius audieritis, nolite obdurare corda vestra. Et iterum: Qui habet aures audiendi audiat, quid Spiritus dicat ecclesiis. Et quid dicit? Venite, filii, audite me; timorem Dei docebo vos. Currite dum lumen vitæ habetis, ne tenebræ mortis vos conprehendant. | Levons-nous donc enfin, stimulés par l’Écriture qui nous dit : « L’heure est venue pour nous de sortir du sommeil. » Les yeux ouverts à la lumière divine et les oreilles attentives, écoutons cet avertissement que la voix de Dieu nous crie chaque jour : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, ne durcissez pas votre coeur. » Et encore : « Que celui qui a des oreilles entende ce que l’Esprit dit aux Églises. » Et que dit-il ? « Venez, mes fils, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte du Seigneur. Courez, tant que vous avez la lumière de la vie, de peur que les ténèbres de la mort ne vous surprennent. » |
Ouvrons les yeux : c’est par là que l’on commence à secouer le sommeil et à reprendre conscience de ce qui est. Ouvrons les yeux à « la lumière déifique » cela peut s’entendre de l’Écriture : Lucerna pedibus meis verbum tuum et lumen semitis meis (Ps. CXVIII, 105) ; cela peut s’entendre de la foi, ou bien de Notre Seigneur lui-même, vraie lumière qui marche et qui nous guide : Qui sequitur me non ambulat in tenebris sed habebit lumen vitae (JOANN., VIII, 12). Il faut écouter aussi et prêter l’oreille à une voix puissante et douce : attonitis auribus . Le plus grand auxiliaire de l’ennemi en nous est l’inattention ; et alors que la lumière divine nous enveloppe sans cesse, que Dieu nous parle à tout instant, nous demeurons aveugles et sourds, inertes, sans souci de la vérité. Rompons enfin la trame de l’accoutumance, intéressons-nous, soyons curieux : puisque aussi bien, nous dit la sagesse antique, l’admiration ou la surprise sont le principe de toute réflexion philosophique.
Chaque matin, au commencement de l’office, la voix du Seigneur nous crie., suppliante : Aujourd’hui, si vous entendez mon appel, gardez vous d’endurcit vos cœurs (Ps. XClV, 8). Car nous sommes par excellence des retardataires, des traînards : a Aujourd’hui, mon Dieu ? Ce que vous me demandez d’abandonner est si intéressant ! Si nous remettions à demain ? C’est entendu : je serai sage et mortifié demain... ” Et notre mauvaise habitude s’affermit, car tout acte laisse en nous sa trace, et nous perdons de la force chaque jour. La conversion ne sera-t-elle pas plus difficile demain ?
Qui habet aures audiendi, audiat quid Spiritus dicat Ecclesiis (MATTH., XI, 15 ; APOC., 2, 7). L’invitation est plus pressante : on s’adresse à notre intelligence, à notre fierté, à un certain orgueil légitime. Ce que l’Esprit de Dieu dit à l’âme qu’il visite, c’est de venir simplement se mettre à son école : il est Docteur et il est Père. Il lui enseignera à craindre Dieu, c’est-à-dire à vivre devant Dieu dans le respect filial et la tendresse (Ps. XXXIII, 12). Saint Benoît ajoute le grave avertissement du Seigneur en saint Jean (XII, 35) : “ Hâtez-vous de venir à Dieu, tandis que vous avez la lumière de la vie, de peur d’être saisi par les ténèbres de la mort ”. L’hodie ne s’étend pas au delà de la vie présente ; et qui sait si vous disposerez d’un lendemain ? Tandis que Dieu parle et vous éclaire, tandis qu’il consent à marcher devant vous, suivez-le et prenez son allure : sinon l’étoile disparaîtra .