Ténebræ factæ sunt dum crucifixíssent Iesum

On nous demande :

Mais où sont les Ténèbres ?

Réponse ici :

Ténèbres du vendredi saint :

Ténèbres du samedi saint :

Pour rappel, on appelle Ténèbres l’office de nuit joint aux laudes pendant le Triduum pascal, qui dans la liturgie chantée est abrégée (pas d’hymne, pas d’invitatoire) avec une tradition, ou un usage de piété populaire spécifique (le chandelier triangulaire, le strepidum, etc.)

Voici ce qu’en dit dom Guéranger :

On donne vulgairement le nom de Ténèbres à l’Office des Matines et des Laudes des trois derniers jours de la Semaine sainte, parce que cet Office se célébrait autrefois la nuit, comme dans les autres jours de l’année. Ce nom lui appartient encore pour une autre raison; c’est qu’on le commence a la lumière du jour, et qu’il ne se termine qu’après le coucher du soleil. Un rite imposant et mystérieux, propre seulement à ces Offices, vient aussi confirmer cette appellation. On place dans le sanctuaire, près de l’autel, un vaste chandelier triangulaire, sur lequel sont disposés quinze cierges. Ces cierges, ainsi que les six de l’autel, sont en cire jaune, comme à l’Office des Défunts. A la fin de chaque Psaume ou Cantique, on éteint successivement un des cierges du grand chandelier ; un seul, celui qui est placé à l’extrémité supérieure du triangle, reste allumé. Pendant le Cantique Benedictus, à Laudes, les six cierges qui brûlaient sur l’autel sont pareillement éteints. Alors le Cérémoniaire prend l’unique cierge qui était demeuré allumé sur le chandelier, et il le tient appuyé sur l’autel durant le chant de l’Antienne qui se répète après le Cantique. Puis il part et va cacher ce cierge, sans l’éteindre, derrière l’autel. Il le maintient ainsi loin de tous les regards pendant la récitation du Miserere et de l’Oraison de conclusion qui suit ce Psaume. Cette Oraison étant achevée, on frappe avec bruit sur les sièges du chœur, jusqu’à ce que le cierge qui avait été caché derrière l’autel reparaisse et annonce par sa lumière toujours conservée que l’Office des Ténèbres est terminé.

    Expliquons maintenant le sens de ces diverses cérémonies. Nous sommes dans les jours où la gloire du Fils de Dieu est éclipsée sous les ignominies de sa Passion. Il était « la lumière du monde », puissant en œuvres et en paroles, accueilli naguère par les acclamations de tout un peuple ; maintenant le voilà déchu de toutes ses grandeurs, « l’homme de douleurs, un lépreux », dit Isaïe; « un ver de terre, et non un homme », dit le Roi-Prophète ; « un sujet de scandale pour ses disciples », dit-il lui-même. Chacun s’éloigne de lui : Pierre même nie l’avoir connu. Cet abandon, cette défection presque générale sont figurés par l’extinction successive des cierges sur le chandelier triangulaire, même jusque sur l’autel. Cependant la lumière méconnue de notre Christ n’est pas éteinte, quoiqu’elle ne lance plus ses feux, et que les ombres se soient épaissies autour d’elle. On pose un moment le cierge mystérieux sur l’autel. Il est là comme le Rédempteur sur le Calvaire, où il souffre et meurt. Pour exprimer la sépulture de Jésus, on cache le cierge derrière l’autel ; sa lumière ne paraît plus. Alors un bruit confus se fait entendre dans le sanctuaire, que l’absence de ce dernier flambeau a plongé dans l’obscurité. Ce bruit, joint aux ténèbres, exprime les convulsions de la nature, au moment où le Sauveur ayant expiré sur la croix, la terre trembla, les rochers se fendirent, les sépulcres furent ouverts. Mais tout à coup le cierge reparaît sans avoir rien perdu de sa lumière ; le bruit cesse, et chacun rend hommage au vainqueur de la mort.

Retrouvez l’ensemble des médiations que dom Guéranger propose pour les jours saints sur le site de l’association pour sa canonisation ici : https://www.domgueranger.net/lannee-liturgique-jeudi-vendredi-et-samedi-saint-propre-du-temps/
Voilà, ce sont donc ces offices très particuliers du Triduum pascal qui gagnent actuellement chaque année en popularité, surtout en dehors des monastères.

Mais alors pourquoi pas de Ténèbres du Jeudi saint ?

La réforme liturgique à la suite du mouvement liturgique du XXème siècle a voulu redonner aux Ténèbres sa vérité des heures, si bien que ce long office est supposé se tenir le matin, et non le soir, ce qui est somme toute logique, puisque les Ténèbres s’achèvent avec les laudes du matin. Évidemment, dans un certain nombre d’endroits, on célèbre tout de même les Ténèbres la veille au soir, et il n’y a pas matière grave ! Cela peut d’ailleurs tout naturellement s’insérer après la fin de l’adoration au reposoir dans la nuit du jeudi au vendredi saint, puis le vendredi saint à la suite de la fonction de l’Adoratio Crucis. Notons que ce n’est pas la seule exception du Triduum pascal : en effet le célébrissime triple alléluia (en 6ème mode) de la communion de la vigile pascale est un héritage de l’antienne des laudes du jour de Pâques.

La réforme des rites de la semaine sainte a voulu rendre plus conforme à la vérité des heures les différentes célébrations spéciales. C’est pourquoi, en réalité, en toute rigueur de termes, le Triduum pascal commence le jeudi après midi, avec la Messe in cena Domini. Il n’y a pas à proprement parler, dans ces conditions, de Ténèbres du jeudi saint le matin même (mais il y a évidemment toujours un office des Vigiles et un office des Laudes du matin, mais ces deux fonctions ne sont alors pas abrégées comme le lendemain et le surlendemain.

Non, mais en fait, les Ténèbres sont un usage traditionaliste ! La preuve, il y a 9 psaumes, 9 leçons et 9 répons, aux Matines, comme dans le bréviaire d’avant le concile Vatican II. Tous ceux qui célèbrent cet office sont donc des nostalgiques ?

Pas du tout et c’est démontrable… Même si c’est un peu complexe. Comme expliqué plus haut, l’office des Ténèbres, c’est la jonction des Vigiles (Matines) et des Laudes, chantées de manière abrégée. C’est pourquoi le cursus monastique et le cursus séculier ont depuis des siècles convergé pendant le Triduum. Les moines prennent donc l’usage séculier avec des Vigiles / matines raccourcies (rappelons que le cursus monastique de nuit, c’est 12 psaumes, et non pas 9). A l’office chanté actuel même séculier, il y a donc toute légitimité à se référer à l’usage monastique qui lui-même correspond à un usage séculier (vous suivez ?). Donc, pas d’état d’âmes. Si M. le curé vous propose un office des Ténèbres cela ne fait pas de lui un crypto traditionaliste ! Au contraire, c’est même une belle façon de mettre en valeur la piété populaire et de marquer de façon spécifique les vendredi et samedi saint où le Saint sacrifice de la Messe n’est pas célébré.

Au fait, il faut dire Matines ou Vigiles ?

Beaucoup de personnes utilisent le mot « Matines » pour désigner l’office de nuit dans le rite romain. C’est un usage linguistique admis, mais, toujours en toute rigueur de termes, fautif. Saint Benoît désigne l’office de nuit par « Vigiles » cf. Sancta Regula Cap. 8 De officiis divinis in noctibus. Les Matines, dans la Sainte Règle désignent plutôt les Laudes du matin. C’est d’ailleurs l’usage de faire suivre immédiatement des Vigilias et les Laudes Matutinas qui a finit par faire admettre l’appellation de « Matines » comme un office de nuit alors qu’il devrait seulement désigner l’office du matin, comme son nom l’indique). C’est d’ailleurs assez bizarre de voir désigner par l’appellation « Matines » un office qui dans de nombreux endroits est plutôt célébré juste avant le coucher.

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